Résumé de l’épisode précédent :
Avec ses 65 points d’intérêt, la Route du Vitrail donne un aperçu de la richesse patrimoniale troyenne et auboise en matière de vitraux.
Le vitrail n’est ni un art poussiéreux, ni une technique surannée.
C’est toujours une source d’inspiration et de création pour une multitude d’artistes, de peintres et de maîtres verriers.
Dans l’Aube, quatre entreprises artisanales perpétuent cette tradition millénaire qui a fait et continue à faire les riches heures de la ville de Troyes et du département.
Il faut croire que cette discipline requiert une inspiration, une minutie et une dextérité toute féminine, car ces quatre entreprises sont dirigées par des femmes !
Les femmes au pouvoir
A Troyes, il s’agit tout d’abord de la Manufacture Vincent-Petit, du nom de Flavie Serrière Vincent-Petit. A la fois peintre sur verre, créatrice et restauratrice de vitraux, elle est l’héritière spirituelle d’un maître verrier qui a marqué l’histoire de sa discipline, le Troyen Alain Vinum, dont elle fut l’élève.
La Manufacture Vincent-Petit contribue à faire avancer l’état de l’art dans sa discipline, prouvant s’il en est besoin que celui-ci n’est pas resté figé dans le temps. Avec l’aide d’une école d’ingénieurs troyenne, elle élabore par exemple de nouvelles techniques pour obtenir du vert et du jaune d’argent en jouant sur l’interaction entre la matière et la lumière. Elle intervient aussi dans une formation dont le thème associe vitrail, lumière, couleurs et… nanotechnologies.
Flavie Serrière Vincent-Petit a trois consœurs en la personne d’Elisabeth de Bourleuf, fondatrice de Belisama – Atelier du Verre à Troyes, d’Anne Veyrier du Muraud, éponyme dirigeante de l’Atelier Veyrier du Muraud à Romilly-sur-Seine, et de Cécile Boël, qui a donné son nom à Vitraux Boël à Bérulle.
Elisabeth de Bourleuf se définit comme “créateur-verrier”. Outre son activité de restauratrice de vitraux, elle façonne toute une gamme d’objets en verre, y compris des vitraux sur commande.
Elle organise aussi des stages à la carte dans son atelier troyen, dédié au culte de Belisama, la déesse gauloise du feu, du foyer et des artisans.
Vitrailliste et peintre sur verre formée à bonne école (chez Flavie Serrière Vincent-Petit et Alain Vinum, comme il se doit), Anne Veyrier du Muraud s’attelle avec le même bonheur à restaurer de grands vitraux historiques qu’à créer ses propres pièces, souvent de petite taille et de forme circulaire. Ses “bulles de rêve” comme elle les appelle.
Dans son petit atelier niché au cœur du pays d’Othe, la vitrailliste Cécile Boël est elle aussi à la fois créatrice et restauratrice de baies anciennes ou contemporaines.
Honorée du titre de Maître Artisan en métier d’art, on peut admirer son travail dans des lieux aussi divers que la trésorerie générale de l’Aube ou l’église Saint-Vincent-de-Paul à Bréviandes.
Audace de la création
De nombreux édifices cultuels aubois, ainsi que des sites privés et des ouvrages publics sont ornés de vitraux de création récente, qui ont su s’affranchir des canons habituels.
Parmi les églises les plus remarquables de ce point de vue, citons l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Villenauxe-la-Grande, dont les vitraux avaient été détruits pendant les bombardements en 1940.
L’artiste anglais David Tremlett s’est notamment inspiré des quatre éléments (l’eau, la terre, l’air et le feu) pour composer vingt-quatre verrières où l’abstraction est reine.
L’effet est saisissant, avec un jaillissement de couleurs même par temps couvert.
L’église Sainte-Agnès à Fontaine-les-Grès constitue un autre exemple particulièrement abouti de création moderne.
Les verrières, qui reprennent pourtant sagement les couleurs archétypales du vitrail traditionnel (grisaille et jaune d’argent), brisent en revanche tous les codes en déployant sur trois côtés de l’édifice une sorte de rideau aux plis réguliers peint au pistolet sur du verre armé et ondulé produit industriellement.
Le vitrail où on ne l’attend pas
A Troyes, on ne pourra qu’être frappé d’étonnement en pénétrant dans le parking Cathédrale, un parc de stationnement souterrain dont les sept niveaux s’enroulent autour d’un puits de lumière.
Celui-ci est habillé de 106 ogives, dont 87 sont agrémentées de plus de 100 m2 de vitraux déclinant les quatre couleurs dominantes des vitraux anciens. Dans le hall d’accueil figurent par ailleurs les noms des grands vitraillistes champenois d’autrefois.
Le plus fameux d’entre eux, Linard Gonthier, a donné son nom à une rue de Troyes.
A Troyes toujours, la Maison Rachi (centre cultuel et culturel judaïque) et le centre de congrès ont bénéficié quant à eux du travail de la Manufacture Vincent-Petit, sous la forme d’un exubérant arbre généalogique pour la première (entre autres réalisations), et d’une représentation du cycle de la lune pour le second.
Sollicitée par l’Etat pour restaurer les vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris après son incendie, le maître verrier troyen Flavie Serrière Vincent-Petit a aussi participé à la conception et à la décoration de la Cité du Vitrail à Troyes, qui fera l’objet des prochains épisodes.