Comme de nombreuses villes, Troyes a été bâtie sur l’eau. Elle lui a permis de se nourrir puis de développer son industrie : tannerie, papeterie, teinturerie et textile grâce aux moulins à fouler le drap… Et ce n’est pas n’importe quel cours d’eau qui baigne la ville : la Seine en personne, si l’on ose s’exprimer ainsi dans la lignée des Gaulois et des Romains qui déifièrent le fleuve sous le nom de Sequana.
Après quelques décennies passées dans l’ombre, l’eau a signé son grand retour à Troyes en tant que richesse patrimoniale et qu’élément décoratif. Les quais de l’ancien canal qui traverse la ville sont devenus la promenade préférée des touristes et des autochtones. L’explication à ce phénomène ?
L’une des rives du canal a été rendue aux piétons et aux cyclistes, tandis que la chape de béton qui le recouvrait en partie a été retirée, permettant de remettre au jour l’eau qui continuait à suivre son petit bonhomme de chemin.
Surnommée autrefois la « petite Venise », Troyes a entrepris depuis plusieurs années de se réapproprier ses cours d’eau, ses fontaines et ses puits. Dotée d’un réseau hydraulique complexe truffé de vannes, de bondes et de déversoirs, épousant de manière visible ou cachée les contours du fameux Bouchon de champagne, la ville s’est construite et développée sur un fleuve au nom magique : la Seine. Celle-ci fait étape à Troyes, où elle se charge du bon air de la province avant d’aller baigner la capitale.
La Seine ? Non : les Seine. À Troyes, on se perd un peu dans ses bras, ses dérivations, ses méandres et ses affluents. La « faute » aux Comtes de Champagne qui domestiquèrent le fleuve en le divisant en plusieurs canaux afin d’irriguer le centre-ville, d’alimenter son industrie et de le protéger des inondations tout autant que des envahisseurs.
Il est amusant de relever que le nom de la patinoire des 3 Seine fait allusion à cette partition du fleuve.
Troyes était autrefois parcourue par un lacis de canaux, de ruisseaux, de rus, de noues et de traversins, qui faisaient certes son charme, mais qui rendaient aussi la ville insalubre et la circulation malaisée. Mais alors que l’on s’est acharné pendant des décennies à cacher ces cours d’eau devenus indésirables aux yeux de certains, la tendance est aujourd’hui parmi les urbanistes troyens à remettre l’eau sur le devant de la scène… ou de la Seine !
C’est ainsi que l’on a vu refleurir des puits aux quatre coins du vieux Troyes, réinstallés à leur emplacement d’origine, tandis que des « lames d’eau » ont accompagné les chantiers de rénovation pour apporter une note rafraîchissante : qui devant la mairie ou sur les places modernisées, qui devant la préfecture ou au pied du campus universitaire, où le trait d’eau ressuscite le souvenir de l’ancien canal qui passait à cet endroit.
Dans un tout autre registre, des sommes importantes ont été engagées pour consolider les digues qui protègent Troyes contre les risques d’inondation. Des travaux qui tombent à pic, alors que l’importante crue observée en 2013 a fait ressurgir dans l’inconscient collectif le spectre des catastrophiques inondations de 1910, celles-là mêmes qui hantent encore l’esprit des Parisiens.