On a coutume de dire que la France renferme 80% des vitraux de la planète, que 80% des vitraux français se situent au nord de la Loire, que 80% des vitraux du nord de la Loire se trouvent en Champagne et que 80 % des vitraux de la Champagne sont dans l’Aube ! Quatre vitraux sur dix à travers le monde se trouvent donc ici, dans l’Aube ! Nulle part ailleurs en tout cas on ne rencontre une telle concentration et une telle qualité de verrières.
On compte pas moins de 9 000 m2 de vitraux dans l’Aube, depuis la majestueuse cathédrale de Troyes jusqu’à la plus modeste église de village.
Quelque deux cents édifices religieux se partagent cet inestimable trésor. Ce que l’on appelle le « beau XVIe » troyen et aubois nous a légué à lui seul 1 042 baies classées monuments historiques.
L’essor de la peinture sur verre coïncide avec une ère de paix et de prospérité pour la ville, alors la cinquième du royaume. De riches bourgeois se transforment en mécènes. Les églises se couvrent de vitraux.
La reconstruction de trois d’entre elles, détruites par le grand incendie de Troyes, favorise le développement de cet art. Les thèmes sont bien sûr religieux, mais les corporations tiennent également à figurer dans ces bandes dessinées avant l’heure : drapiers, tanneurs, orfèvres, archers ou arquebusiers.
Les généreux donateurs n’oublient pas non plus de s’y faire représenter. Les particuliers commandent à leur tour des verrières pour décorer leurs demeures. Entre 1480 et 1850, Troyes s’impose comme un foyer artistique de premier plan où émergent une trentaine de peintres verriers environ.
Leur style est homogène, fait de couleurs vives, chaudes et contrastées. Certains historiens n’hésiteront pas à parler d’une « école troyenne » de la peinture sur verre.
Cet exceptionnel patrimoine a été conservé en partie grâce au fait que l’Aube a été épargnée par les bombardements dévastateurs des dernières guerres.
Certaines verrières avaient d’ailleurs été déposées et mises à l’abri préventivement dans la crainte de leur destruction.
Le vitrail a toujours droit de « Cité »
Troyes et l’Aube possèdent la plus grande et la plus belle collection de verrières peintes d’Europe. Un art qui a explosé au Moyen Age et un maître verrier troyen, mi-artiste, mi-artisan, perpétue encore de nos jours la tradition.
Un centre d’interprétation du vitrail met en lumière ce trésor patrimonial que l’on trouve en abondance dans les églises auboises.
850 ans environ après la création du plus vieux vitrail attesté dans l’Aube, la Cité du Vitrail propose un hommage mérité à l’un des fleurons artistiques du département.
C’est l’Hôtel-Dieu-le-Comte, un remarquable ensemble de bâtiments reconstruits au XVIIIe siècle, où résident déjà le centre universitaire de Troyes et la pharmacie-musée, qui a été choisi comme écrin.
Un lieu chargé d’histoire et pour ainsi dire prédestiné, puisque situé entre cathédrale et basilique.
Alors que les vitraux ne sont souvent visibles qu’en contre-plongée, au prix d’un bon torticolis ou avec beaucoup de recul, ils sont exposés ici à hauteur d’homme. Sur 3000 m2, la collection déroule les mutations stylistiques qui ont affecté cet art très représentatif du patrimoine troyen et aubois.
Les oeuvres originales qui sont exposées sont régulièrement renouvelées au gré des prêts.
Le vitrail civil côtoie le vitrail religieux, le vitrail moderne le vitrail ancien, de même que le vitrail aubois laisse une place aux oeuvres originaires d’autres départements ou régions.
Le Florentin et le Beau XVIe
À Troyes, quand on parle du « Beau XVIe », on ne pense pas au 16e arrondissement de Paris.
On fait allusion à cette période faste de l’histoire où la cité fut un brillant creuset artistique dans des domaines aussi variés que la sculpture, la peinture, la tapisserie, la broderie, l’orfèvrerie ou la peinture sur verre.
La reconstruction de la ville après le grand incendie de 1524 ne fait qu’amplifier un mouvement amorcé avec les foires et les marchés dont le rayonnement international suscite aussi la circulation des talents et des idées.
En témoigne la figure emblématique de Dominique Florentin. Son nom même trahit son origine : il est né à Florence au tout début du siècle.
C’est un artiste complet : stucateur, graveur, peintre, imagier, architecte et sculpteur.
Il apporte le souffle de la Renaissance dans ses bagages et révolutionne un milieu troyen de l’art influencé par les courants allemands, flamands et italiens.
Après avoir travaillé au château de Fontainebleau, le Florentin infuse toute sa science de l’architecture et du décor à sa ville d’adoption.
Le Beau XVIe siècle troyen, c’est une collection unique de 2 800 sculptures classées, soit les deux tiers du patrimoine régional relatif à cette période et à cette discipline.
Les plus grands musées du monde en recèlent quelques pièces, comme au Louvre, à Londres ou à New York.
Il en émerge un type féminin très caractéristique, celui d’une Vierge au visage ovale, au front haut et bombé, aux yeux en amande légèrement bridés, à la chevelure ondulée séparée en deux masses symétriques, et au sourire délicat.