« Interroge les bêtes, elles t’instruiront » dit le livre de poèmes didactiques de l’Hébreu Job, même celles du monde archaïque ayant mauvaise fortune, dont l’aspect énigmatique surprend et effraye comme la mante religieuse ( La Bible – Job 12-7/9 ).
Très commune dans le sud, elle est partiellement présente dans les friches de notre région et classée avec la blatte dans l’ordre des dictyoptères.
Appelée « Lou Prégo-Dieu » la bête qui prie Dieu, du fait de sa posture extatique, cette insolite grande présence verte de 7 cm, inoffensive pour l’homme, est loin d’être placide et dévotement recueillie.
Sa tête triangulaire très mobile, aux petites antennes filiformes et aux yeux saillants, peut tourner dans toutes les directions, ce qui est rare en entomologie.
Par temps chaud, elle est à l’affût, inerte et muette, inspectant avec circonspection son environnement de prédilection.
Ses pattes antérieures dites ravisseuses, acérées d’épines et terminées par un harpon, sont repliées en chasse lui octroyant son air patenôtrier.
Jamais rassasiée, surtout en période de reproduction, la mante carnassière dévore tout ce qui la frôle dans les hautes herbes, même les individus de son espèce.
Les terrorisant par son épouvantable attitude spectrale, puis les tuant d’une manière foudroyante en attaquant les ganglions cervicaux, elle prélève et ronge parcimonieusement avec ses pièces buccales des morceaux de viande fraîche sur eux, adoptant par là-même le comportement d’une convive attablée se sustentant.
Le mâle plus fluet, adapté au vol, perçoit olfactivement avec ses longues antennes les femelles qui libèrent à l’automne leurs phéromones sexuelles.
L’étreinte du couple est conséquente et le fécondateur devra user de prudence pour échapper à un sort funeste pendant ou après la copulation.
Cet instinct cannibale des femelles est justifié par un besoin perpétuel de protéines que nécessite la ponte, la nature privilégiant la survie de l’espèce au détriment de l’individu.
Des oothèques ( boîtes à ovules » en Grec ), similaires à des meringues solidifiées de 6 cm, constituées d’écume battue d’air, protégeant 200 œufs rangés dans des cases structurées, sont déposées fin août, par précaution la nuit, sur une pierre, une grande tige sèche, aux dos d’un volet.
Cette enveloppe fragile dite « athermane » protège du froid durant l’hiver la descendance située au centre de l’habitacle.
La mante avait ainsi découvert les secrets de l’omelette norvégienne bien avant l’illustre physicien Comte Rumford et sa célèbre expérience en 1804, de blancs d’œufs battus en neige.
Les éclosions auront lieu l’année suivante en juin, les juvéniles chercheront rapidement des pucerons pour s’alimenter et sept métamorphoses leur seront nécessaires pour parvenir à la taille adulte.
Ne nous laissons donc pas impressionner par la mante religieuse, elle participe avec ses mœurs à l’équilibre des êtres vivants, à l’ordre de l’univers et à l’invention de nombreuses applications scientifiques par le biais du biomimétisme.
Avec l’autorisation de l’Est Eclair / Libération Champagne
Lien : Youtube : séries Minuscules
1 – Médecine populaire :
L’oothèque était utilisée autrefois pour guérir les engelures . Appelée la tigno en
Provence, on la mettait dans sa poche pour soulager le mal de dents
2 – Sport :
Dans les arts martiaux chinois, la boxe de la mante religieuse désigne l’ensemble
des styles d’intimidation animalière de cet insecte
3 – Mode :
Au XVème siècle, la mante est une sorte de manteau ample en hermine ou en
velours, souvent avec capuchon, porté pour se protéger du froid (et son dérivée
mantille une écharpe dentelée portée sur la tête au XVIII siècle)
4 – Science : Mante ou raie – manta, animal emblématique de sept mètres et
d’une tonne, vivant dans l’océan atlantique tropical. Elle est vivipare et se nourrit
de plancton et de petits poissons
Photo d’entête : Mante religieuse © Said Braim et mise en avant © Yves Meurville