- De Pl. Saint-Pierre, 10000 Troyes à Pl. Vernier, 10000 Troyes
- 2,5 kilomètres
- Parcours pédestre
Quand les incontournables du patrimoine troyen rencontrent les grands poètes français…
La richesse du patrimoine troyen n’est plus un mystère pour de nombreuses personnes. Pourtant, il est toujours possible de redécouvrir le patrimoine, grâce à un nouvel angle d’approche. Si le patrimoine bâti fait la renommée de la ville, il ne faut pas oublier qu’au XIIe siècle, Chrétien de Troyes a vécu ici, et par ses textes, a fondé une grande lignée d’auteurs qui feront, eux-aussi, rayonner la France à travers le monde. Ce circuit vous propose de (re)découvrir le patrimoine troyen, en vous faisant passer par les lieux incontournables, et de mettre en regard face à ces bâtiments, des « monuments » de la poésie française.
Cathédrale Saint-Pierre Saint-Paul – Chrétien de Troyes, Perceval ou le conte du graal
Pl. Saint-Pierre, 10000 Troyes
Pour entamer cette visite poétique, voici la confrontation de deux monuments troyens. Au pied de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul, quoi de mieux qu’un extrait de Perceval, ou le conte du Graal, écrit par Chrétien de Troyes ?
« Son cheval atache a un charme,
aprés s’an antre chiés l’ermite.
An une chapele petite
trova l’ermite et le provoire
et.i. clerdon, ce est la voire,
qui comançoient le servise,
le plus bel qui an sainte eglise
puisse estre diz, et li plus dolz.
Percevax se met a genolz
tantost con antre an la chapele ;
et li bons hom a lui l’apele,
qui mout le vit sinple et plorant,
et vit jusqu’au manton colant
l’eve qui des ialz li degote.
Et Percevax, qui mout se dote
avoir vers Damedeu mespris,
a l’ermite par le pié pris,
si l’anclina et les mains joint
et prie Deu que il li doint
consoil, que grant mestier en a.
Et li boens hom li comanda
a dire sa confession,
que ja n’avra comenion,
se n’est confés et repantanz »
« Il attache son cheval à un charme
Puis entre chez l’ermite.
Dans une petite chapelle,
Il trouva l’ermite et le prêtre
Avec un jeune prêtre, c’est la vérité,
Qui commençaient le service
Le plus beau et le plus doux qui,
Dans une église sainte, puisse être dit.
Perceval se met à genoux
Dès qu’il entre dans la chapelle ;
Et le saint homme l’appelle à lui,
Et le voit très simple et en pleurs,
Car voit l’eau de ses yeux qui,
Jusqu’au menton, lui coule.
Et Perceval, qui craint
D’avoir eu du mépris pour le Seigneur Dieu
Se jette aux pieds de l’ermite,
Il s’incline et joint les mains
Et prie Dieu qu’il lui donne
Conseil, car il en a grand besoin.
Et l’homme bon lui recommande
De se confesser,
Car il n’avait jamais communié
Ni confessé, ni repenti. »
___
Ecrivain à la cour des Comtes de Champagne au XIIIe siècle, c’est pour Marie de Champagne que Chrétien de Troyes compose, en vers, les romans que l’on connaît aujourd’hui. Bien qu’il s’agisse de « romans », les textes sont composés en vers et respectent un schéma de rimes régulier. Mettant par écrit les aventures de personnages bien connus aujourd’hui, tels que Perceval, le roi Arthur ou Lancelot, Chrétien de Troyes a décrit les codes de chevalerie et les aventures des jeunes chevaliers vertueux en quête de l’Amour Courtois. Perceval par exemple est en quête du Graal, une coupe qui aurait recueilli le sang du Christ au moment de la Crucifixion.
La Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes abrite d’ailleurs un trésor et des reliques. Alors qu’une première cathédrale aurait été construite dès le Ve siècle par l’évêque Saint Loup, elle a successivement été détruite par des incendies. La tour Saint-Pierre est achevée en 1634. La tour Saint-Paul, elle, ne sera jamais achevée, principalement faute de moyens financiers. Haute de 28,50 m de haut, et longue de 114 m, la cathédrale est surtout célèbre pour ses vitraux, dont la surface totale représente 1500 m2. Le trésor de cathédrale abrite notamment une châsse de Saint Bernard, patron des templiers, longtemps établis dans la région.
Outre sa tour solitaire, la cathédrale se caractérise par sa belle rosace et le décor très fourni du portail. Sur la façade l’influence gothique de la construction du bâtiment est particulièrement visible. Le foisonnement des statues montre le grand talent de sculpteurs des décorateurs. Certaines de ces statues sont de véritables gargouilles, dont l’observation minutieuse révèle parfois des détails… comiques !
Les Quais de Seine – Le pont Mirabeau, Guillaume Apollinaire
Les quais de Seine 10000 Troyes
Vous ne trouverez pas le pont Mirabeau à Troyes. Cependant, il est possible de trouver quelques airs de ressemblance entre les quais, qui possèdent leur version du Pont des Arts, avec ses cadenas scellés par les amoureux.
« Le pont Mirabeau, Guillaume Apollinaire
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine. »
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L’ambiance romantique n’est nulle part plus forte qu’autour des quais à Troyes. La promenade commence par le Cœur de Troyes. Cette sculpture de métal a été réalisée par les artistes aubois Michèle et Thierry Kayo-Houël. Il est d’ailleurs possible d’affirmer que Troyes a un cœur « gros comme ça » puisque celui-ci mesure 4 mètres de large, 3,5 de hauteur. Sa structure ajourée lui donne une impression de légèreté, qui fait que les deux tonnes de la structure ne se ressentent pas. En vous promenant le long des quais, vous pourriez également croiser Lili, qui vous attend, assise sur son banc.
Le cœur de Troyes, ainsi situé sur les quais a aussi une portée symbolique. L’eau a toujours été au cœur du développement de la ville. C’est au bord des cours d’eau que le castrum romain (première ville fortifiée) s’est construit, à l’emplacement de l’actuelle Cathédrale. Bien plus tard, l’eau des rivières a été d’une importance capitale pour le développement de l’industrie. L’eau trouve de nombreux usages au sein d’une usine, peu importe ce qui est produit. Détournée plusieurs fois, la Seine est encore bien fine comparée au fleuve qu’elle devient quelques centaines de kilomètres plus loin.
A partir de 1805, Napoléon demande que des canaux soient creusés pour permettre un trajet plus fluide du cours d’eau. Les canaux permettent aussi de s’assurer que le fleuve est praticable par les bateaux de transport de marchandises. Napoléon souhaite faire de la Seine un axe majeur de commerce et de navigation, permettant de relier l’Océan Atlantique et la Bourgogne. Ces canaux ont ensuite été partiellement recouverts. Certains ont été conservés cependant, et séparent la tête du « bouchon de champagne » du corps. Entièrement « requalifiés » à la fin des années 2000, les quais ont su trouver une nouvelle dynamique, qui en ont fait un endroit central pour la ville. Au bout des quais, au pied du Théâtre de Champagne se trouvent les armes de la ville de Troyes. Ce blason sculpté est installé à l’extrémité des quais, mais surtout il accueille les visiteurs qui pénètrent dans le cœur de la ville. Les armes de la ville sont : « d’azur à la bande d’argent côtoyée de deux cotices potencées et contre potencées de 13 pièces d’or, au chef cousu d’argent chargé de trois fleurs de lys d’or rangées en face ». Ce blason montre la puissance de la ville à une époque royale, et est représenté sur de nombreux panneaux et monuments à travers toute la ville.
Théâtre de champagne – Saltimbanques, Guillaume Apollinaire
Boulevard Gambetta, 10000 Troyes
Longtemps, les artistes ont été itinérants, se donnant en spectacle dans les différentes villes qu’ils parcouraient au gré de leurs voyages. Dans son poème d’une grande simplicité, Apollinaire raconte la vie de ces artistes toujours sur les routes, ici accompagnés d’un ours et d’un singe dressés, vie pleine de rêve et qui a longtemps nourri l’imagination.
« Saltimbanques, Guillaume Apollinaire
Dans la plaine les baladins
S’éloignent au long des jardins
Devant l’huis des auberges grises
Par les villages sans églises.
Et les enfants s’en vont devant
Les autres suivent en rêvant
Chaque arbre fruitier se résigne
Quand de très loin ils lui font signe.
Ils ont des poids ronds ou carrés
Des tambours, des cerceaux dorés
L’ours et le singe, animaux sages
Quêtent des sous sur leur passage. »
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Le théâtre de Champagne est un lieu majeur du centre-ville de Troyes. Avant d’être un théâtre, ce bâtiment constituait en réalité le cirque d’hiver. Un cirque d’hiver est un bâtiment « en dur », par opposition au chapiteau, qui peut accueillir des spectacles. Le cirque d’hiver a longtemps été utilisé pour le spectacle équestre par exemple. Les voltigeurs et voltigeuses faisaient des tours de piste en redoublant d’imagination et de souplesse pour se déplacer avec grâce sur le dos des chevaux lancés à différentes allures.
Le premier bâtiment était un cirque construit en bois. Un grand incendie en 1892 a réduit le bâtiment en cendres. Mais le lieu était important pour les troyens. Il est donc décidé en 1905 de bâtir un nouveau cirque, dans des matériaux plus résistants cette fois. Les spectacles équestres, mais aussi des combats de boxe par exemple se sont tenus au sein de ce cirque. Comme pour le cirque d’hiver de Paris, un cinéma fut installé pour un temps dans le bâtiment.
Le bâtiment est reconnaissable par sa forme ronde, qui est assez atypique pour ce type de bâtiment. De plus, le toit est également en arrondi, surmonté d’une petite tour supplémentaire en son centre. Illuminé de rouge à la nuit tombée, il rappelle que le cœur de la ville est toujours animé et que la culture est un phare au sein de la ville.
En 1975, le bâtiment est classé. S’engagent alors pendant trois ans des travaux de réaménagement. C’est à l’issue de ces années de travaux que le cirque est devenu un théâtre. Depuis cette époque, le théâtre accueille de nombreux types de spectacles, de la danse, des concerts de musique, des humoristes etc. Cette salle est un des lieux importants de la vie culturelle de Troyes et s’y déroulent par exemple certains concerts des Nuits de Champagne, grand festival musical qui a lieu à l’automne.
Jardin du rocher- A la musique, Arthur Rimbaud
Jardin du rocher 10000 Troyes
Le XIXe siècle connaît de grandes innovations urbanistiques. Les anciennes murailles tombent, et ainsi peuvent apparaître des coins de verdure, où flotte parfois une douce musique, idéale pour les promenades printanières.
« A la musique, Arthur Rimbaud
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
− L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
− Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !… »
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde − vous savez, c’est de la contrebande ;
− Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…
–Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
–Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres… »
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Les villes de la seconde moitié du XIXe siècle se révolutionnent donc. Les habitants des villes assistent à ces bouleversements et adoptent rapidement les nouvelles morphologies des villes. Rimbaud raconte dans ce poème les ambiances de promenades, où tout le beau monde vient profiter de l’écrin de verdure pour se balader, rencontrer d’autres personnes ou encore écouter de la musique. Les kiosques à musique fleurissent dans les jardins publics, au grand bonheur des promeneurs.
Celui du jardin au rocher est un très bel exemple de l’architecture bouleversée, aux influences multiples de cette fin de siècle. Bâti en 1889, ce kiosque est caractérisé par ses grandes dimensions et notamment ses 44m2 de surface. La toiture en forme de bulbe montre l’influence de l’architecture des pays de l’Est et de Proche-Orient, tandis que le reste du kiosque est réalisé dans une architecture qui utilise le métal, comme les Halles, ce qui était à la mode à cette période, à Paris notamment. La beauté de ce kiosque fait qu’il a été classé, en 1975. Ce kiosque s’intègre parfaitement dans l’atmosphère du jardin, véritable ouverture sur la nature au cœur de la ville. Sur le kiosque, vous pouvez apercevoir des panneaux peints portant l’inscription « Legs Brissonnet ». Il s’agit du nom du donateur qui a permis l’élévation de ce kiosque à la fin du XIXe siècle. D’autres panneaux indiquent qu’il est dédié aux compositeurs Massenet, Gounod, Boieldieu ainsi que Berlioz.
A l’autre extrémité du jardin, vous pouvez admirer la cascade, la grotte artificielle et le fameux rocher qui donne son nom au jardin. Rimbaud, comme d’autres auteurs, a pu montrer son vertige face à cette urbanisation galopante au cours du XIXe siècle. Afin d’éviter un trop grand malaise, ces jardins forment des espaces de verdures, permettant de respirer, loin de la fumée des usines tournants alors à plein régime. Si vous observez correctement, vous vous apercevrez que les bancs, ainsi que certaines souches d’arbres sont réalisés… en béton ! L’architecture veut disparaître face à la nature, et se confond, avec un réalisme troublant, parmi les végétaux.
Eglise Sainte-Madeleine – Le bouquet sous la croix, Marcelline Desbordes-Valmore
3 Rue de la Madeleine, 10000 Troyes
Si Troyes est la ville aux dix églises, Saint-Madeleine peut être considérée à plusieurs égards comme la rose de ce jardin.
« Le bouquet sous la croix, Marcelline Desbordes-Valmore
D’où vient-il ce bouquet oublié sur la pierre ?
Dans l’ombre, humide encor de rosée, ou de pleurs,
Ce soir, est-il tombé des mains de la prière ?
Un enfant du village a-t-il perdu ces fleurs ?
Ce soir, fut-il laissé par quelque âme pensive
Sous la croix où s’arrête un pauvre voyageur ?
Est-ce d’un fils errant la mémoire naïve
Qui d’une pâle rose y cacha la blancheur ?
De nos mères partout nous suit l’ombre légère ;
Partout l’amitié prie et rêve à l’amitié ;
Le pèlerin souffrant sur la route étrangère
Offre à Dieu ce symbole, et croit en sa pitié !
Solitaire bouquet, ta tristesse charmante
Semble avec tes parfums exhaler un regret.
Peut-être es-tu promis au songe d’une amante :
Souvent dans une fleur l’amour a son secret !
Et moi j’ai rafraîchi les pieds de la Madone
De lilas blancs, si chers à mon destin rêveur ;
Et la Vierge sait bien pour qui je les lui donne :
Elle entend la pensée au fond de notre cœur ! »
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Les premiers écrits mentionnant l’église Sainte-Madeleine remontent à la deuxième moitié du XIIe siècle, il s’agit donc de la plus ancienne de la ville. Cette église a longtemps été celle fréquentée par la noblesse de robe de la ville, elle a bénéficié de nombreux dons et paiements de personnes souhaitant se faire enterrer dans ce lieu. Elle a ainsi bénéficié de fonds importants pour de régulières rénovations et décorations, qui font d’elle un lieu exceptionnel. L’église se distingue également par sa tour, unique à Troyes pour une église, qui a commencé à être élevée à partir de 1532.
Mais si l’extérieur du bâtiment est impressionnant, il faut oser poser sa porte pour découvrir pleinement la beauté du lieu. Construit en pierre de Tonnerre, le jubé est sculpté avec plus de finesse que de la dentelle. A l’origine polychromé, le jubé séparait l’espace sacré de l’église qui était inaccessible aux fidèles. Les statues, enlevées à la Révolution, ont été remplacées au cours du XIXe siècle, et certaines sont visibles au musée de Vauluisant.
Autre aspect exceptionnel de l’église : les vitraux magistraux réalisés pour le décor. Au centre, vous pouvez admirer un arbre de Jessé, qui retrace l’histoire du Christ. Réalisé par Jean 1er Macadré vers l’an 1500, ce vitrail est exceptionnel par ses couleurs chatoyantes et la finesse de sa composition.
Autour de l’église se trouve l’ancien cimetière, qui est aujourd’hui devenu le « jardin des innocents ». Après avoir passé le portail sur lequel l’initiale F. et la salamandre souligne le passage de François 1er, vous pouvez découvrir ce lieu où les plantes, vertes et blanches, rappellent l’innocence des enfants inhumés ici. L’innocence blanche de ces enfants est également évoquée dans le poème de Marcelline Desbordes-Valmore, qui raconte ici son expérience du sacré.
Ruelle des chats – Les Souvenirs, Hippolyte Taine
Ruelle des Chats, 10000 Troyes, France
Vous ne trouverez nulle part ailleurs d’endroit plus caractéristique de l’histoire de la ville que la fameuse « ruelle des chats » à Troyes.
« Les Souvenirs, Hippolyte Taine
Il siège au coin du feu, les paupières mi-closes,
Aspirant la chaleur du brasier qui s’éteint ;
La bouilloire bouillonne avec des bruits d’étain.
Le bois flambe, noircit, s’effile en charbons roses.
Le royal exilé prend de sublimes poses ;
Il allonge son nez sur ses pieds de satin ;—
Il s’endort, il échappe au stupide destin,
A l’irrémédiable écroulement des choses.
Les siècles en son cœur ont épaissi leur nuit,
Mais au fond de son cœur, inextinguible, luit
Comme un flambeau sacré, son rêve héréditaire :
Un soir d’or, le déclic empourpré du soleil,
Des fûts noirs de palmiers sur l’horizon vermeil,
Un grand fleuve qui roule entre deux murs de terre »
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La ruelle des chats est une des plus anciennes rues de Troyes. En plein centre du « corps » du bouchon de champagne, dessiné par le centre-ville, cette rue est un symbole de la ville. L’étroitesse de la rue en a longtemps fait le repère idéal pour les petits félins, qui pouvaient naviguer librement de toit en toit. Les chats sont très bien installés dans cette rue et Taine, dans son poème montre la placidité et le calme des chats, qui sont partout chez eux, et règnent tranquillement sur leur petit monde. Les poutres installées en travers de la rue servent à repousser les maisons qui commencent à trop se pencher. Les pavés qui sont installés rappellent les origines de la fin du Moyen-Âge de la rue, et la rigole centrale a longtemps servi à distinguer les personnes selon leurs rangs sociaux. Pour éviter les « eaux grises » qui coulaient, seuls les privilégiés se tenaient en hauteur, tandis que les autres devaient passer au centre.
Pendant longtemps, cette rue a eu la réputation d’être très mal fréquentée. La prostitution notamment avait choisi cette rue pour s’y installer et faire son commerce. Il a donc été décidé d’installer des grilles à chaque extrémité de la rue, dont vous pouvez encore observer les vestiges de chaque côté de la rue.
N’hésitez pas à traverser la Cour du Mortier d’or. Depuis cette petite cour, vous pourrez admirer l’arrière des maisons à pans de bois, afin d’observer la construction si particulière de ces maisons. En 1524, un immense incendie se déclare en plein centre-ville de Troyes. A cette époque, le centre est surpeuplé (on compte une population environ trois fois supérieure à aujourd’hui). Les habitations sont réduites en cendres. Pour reloger la population, des bâtisses en torchis, dont la structure et la façade sont faites de bois, permettent de reconstruire rapidement des logements. Les forêts de l’Est de la France fournissent le bois, qui transite par la Seine, pour ces maisons. C’est ainsi que Troyes s’est dotée de maisons à pans de bois, dont les plus belles peuvent être admirées dans la ruelle des chats, ainsi que dans la rue Emile Zola.
Hôtel de ville – Contre la peine de mort, Alphonse de Lamartine
Pl. Alexandre Israël, 10000 Troyes
Poésie et politique n’est pas toujours fait bon ménage. Pourtant, les deux sont intimement liées, et nombreux sont les poètes à s’être adressés directement au peuple à travers leurs écrits.
(Au peuple du 19 octobre 1830)
« Peuple, dirais-je ; écoute ! et juge !
Oui, tu fus grand, le jour où du bronze affronté
Tu le couvris comme un déluge
Du reflux de la liberté !
Tu fus fort, quand pareil à la mer écumante,
Au nuage qui gronde, au volcan qui fermente,
Noyant les gueules du canon,
Tu bouillonnais semblable au plomb dans la fournaise,
Et roulais furieux sur une plage anglaise
Trois couronnes dans ton limon !
[…]
Songe au passé, songe à l’aurore
De ce jour orageux levé sur nos berceaux ;
Son ombre te rougit encore
Du reflet pourpré des ruisseaux !
Il t’a fallu dix ans de fortune et de gloire
Pour effacer l’horreur de deux pages d’histoire.
Songe à l’Europe qui te suit
Et qui dans le sentier que ton pied fort lui creuse
Voit marcher tantôt sombre et tantôt lumineuse
Ta colonne qui la conduit
[…] »
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Ce texte de Lamartine exhorte le peuple à prendre le pouvoir. Ecrit en 1830, il fait écho à la Révolution qui a eu lieu cette année-là. Destinée à contrer les dérives autoritaires de Charles X, cette insurrection rassemble le peuple. Lamartine, comme d’autres artistes, fait de cet événement un sujet pour son art. Il rappelle que le peuple peut décider pour lui-même, et que le débat et la colère du peuple doit aider à faire progresser le pays. Au niveau local c’est la mairie qui remplit cette mission de démocratie, et de recueil de la voix des citoyens. Celle de Troyes a été fondée en 1482. Le roi Louis XII accepte de confier la gestion de la ville à un maire. Débutée en 1494, la construction de l’hôtel de ville s’étalera jusqu’en 1672. La façade du corps central de l’édifice est reprise au début du XIXe siècle et le décor évolue pour se mettre au goût de l’époque. Ainsi, de nombreux décors floraux sont ajoutés, ainsi que des têtes de lions. Les colonnes de marbre noir ajoutent de la majesté à l’édifice.
Le bâtiment, après son élévation connaît donc des changements. Lorsque le décor de la façade est refait, une frise est prévue, notamment au premier niveau du bâtiment. Or, faute de moyen, la sculpture sera interrompue. Si l’on observe attentivement, on peut voir que certains endroits de la frise ne sont tout simplement pas réalisés. La frise n’a finalement jamais été achevée, rendant l’édifice unique. En 1933 et 1937, le corps central s’équipe de deux ailes, qui sont aujourd’hui visibles. Le bâtiment adopte ainsi une stature plus imposante.
Témoignage de la Révolution française, le centre de la façade est décoré d’une statue de Minerve casquée. Cette déesse de la mythologie grecque est le symbole de la sagesse guerrière, de la lutte juste, mais aussi de la sagesse dans les décisions politiques. Elle remplace une statue de Louis XIV, détruite à la Révolution. Au-dessus de cette statue, il est important de noter que la devise, présente sur toutes les mairies de France, est tout à fait spécifique à Troyes. « Liberté, Egalité, Fraternité, ou la mort », cette dernière partie date également de la Révolution et a été peu à peu effacée des devises, de manière à apaiser les tensions qui ont longtemps traversé le pays suite à la Révolution.
La basilique Saint-Urbain – Victor Hugo, Le pont
Pl. Vernier, 10000 Troyes
Un pont créé entre les époques et les arts, voilà ce que pourrait représenter la basilique Saint-Urbain de Troyes.
« Le pont, Victor Hugo
J’avais devant les yeux les ténèbres. L’abîme
Qui n’a pas de rivage et qui n’a pas de cime,
Était là, morne, immense ; et rien n’y remuait.
Je me sentais perdu dans l’infini muet.
Au fond, à travers l’ombre, impénétrable voile,
On apercevait Dieu comme une sombre étoile.
Je m’écriai : — Mon âme, ô mon âme ! il faudrait,
Pour traverser ce gouffre où nul bord n’apparaît,
Et pour qu’en cette nuit jusqu’à ton Dieu tu marches,
Bâtir un pont géant sur des millions d’arches.
Qui le pourra jamais ! Personne ! ô deuil ! effroi !
Pleure ! — Un fantôme blanc se dressa devant moi
Pendant que je jetai sur l’ombre un œil d’alarme,
Et ce fantôme avait la forme d’une larme ;
C’était un front de vierge avec des mains d’enfant ;
Il ressemblait au lys que la blancheur défend ;
Ses mains en se joignant faisaient de la lumière.
Il me montra l’abîme où va toute poussière,
Si profond, que jamais un écho n’y répond ;
Et me dit : — Si tu veux je bâtirai le pont.
Vers ce pâle inconnu je levai ma paupière.
— Quel est ton nom ? lui dis-je. Il me dit : — La prière »
___
La basilique Saint-Urbain, située en plein cœur du centre-ville historique est un joyau de l’architecture et des arts chrétiens. Il s’agit là d’un cadre idéal pour comprendre l’élévation spirituelle que décrit Hugo dans ce poème.
La basilique Saint-Urbain doit son nom au pape Urbain IV, né à Troyes et fait pape en 1261. Il fait alors bâtir une collégiale, qui n’est pas destinée à être ouverte au public à l’origine, dans sa ville natale. La construction du bâtiment est bien mouvementée. L’abbesse de Notre-Dame-aux-nonnains, à l’emplacement de l’actuelle préfecture, n’apprécie pas qu’un autre bâtiment, dépendant directement de la papauté vienne s’installer sur son territoire. Elle organise alors diverses actions de destruction pour ralentir et faire stopper le chantier. En réaction, les nonnes seront finalement excommuniées quelques années plus tard.
Si l’intérieur de la basilique est relativement sobre, l’extérieur est une véritable démonstration de l’architecture gothique. La façade et les trois arches qui la composent, souligne la finesse et la légèreté du bâtiment. Le tympan montre le Christ en majesté au sommet, ainsi que les douze apôtres. En dessous, La Vierge et Saint Jean ont également sculptés. Enfin, dans le registre inférieur, le paradis ainsi que l’enfer sont représentés. Il se caractérise notamment par la hauteur des baies vitrées et des magnifiques vitraux qui les composent. Les multiples statues polychromées qui occupent l’intérieur sont également un symbole de la statuaire religieuse troyenne depuis le XVIe siècle. La statue de la Vierge au raisin, nommée ainsi puisqu’un oiseau picore un grain de raisin, en référence à la Passion du Christ, est la plus célèbre. La finesse des traits de cette représentation autrefois polychromée en fait un symbole des statues du Beau XVIe siècle troyen.
Les Halles – Arthur Rimbaud, Ville
19 Rue Général de Gaulle, 10000 Troyes
Témoin de l’urbanisation galopante au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, Arthur Rimbaud transcrit cette modernité dans ses textes poétiques. Ville est un poème en prose dans lequel il projette ses sentiments face à la ville moderne.
Ville, Arthur Rimbaud
Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d’une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l’extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. Ici vous ne signaleriez les traces d’aucun monument de superstition. La morale et la langue sont réduites à leur plus simple expression, enfin ! Ces millions de gens qui n’ont pas besoin de se connaître amènent si pareillement l’éducation, le métier et la vieillesse, que ce cours de vie doit être plusieurs fois moins long que ce qu’une statistique folle trouve pour les peuples du continent. Aussi comme, de ma fenêtre, je vois des spectres nouveaux roulant à travers l’épaisse et éternelle fumée de charbon, – notre ombre des bois, notre nuit d’été ! – des Erinnyes nouvelles, devant mon cottage qui est ma patrie et tout mon cœur puisque tout ici ressemble à ceci, – la Mort sans pleurs, notre active fille et servante, et un Amour désespéré, et un joli Crime piaulant dans la boue de la rue.
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La ville représente, pour le poète maudit, un endroit où se côtoient d’innombrables inconnus dans la grisaille morne, et prépare Une saison en Enfer, un autre de ses recueils. La modernité s’incarne ici dans la forme nouvelle du poème, qui rejette les systèmes de rimes et la forme versifiée, et qui prend pour thème le quotidien, sans espérance. Mais la modernité s’incarne également dans le marché des Halles de Troyes. Dans le texte, Rimbaud évoque « le plan de la ville ». La fin du XIXe siècle est effectivement synonyme d’une révolution dans l’aménagement des villes. Entrant dans la période dite « hygiéniste », les villes détruisent les murailles médiévales et ouvrent des grandes artères passantes. C’est en 1877 qu’une grande avenue est ouverte (l’avenue de la République) pour relier la gare (alors située dans l’actuel espace Argence) et l’hôtel de ville. Au long de cette avenue, l’architecte municipal Emile Bailly conçoit les Halles, inspirées de celle de Baltard tout juste construites à Paris, comme un lieu ouvert et lumineux, où le verre s’invite volontiers entre les dix-huit poutres d’acier. La charpente en bois permet également de donner une impression de légèreté au bâtiment. La triple volée de toits, agrémentée de verrières apporte de la luminosité. Les briques qui constituent les quatre façades sont agencées de façon à reproduire le fameux « damier champenois ». Il ne faut pas hésiter à rentrer dans le bâtiment pour en admirer la charpente, mais également pour profiter de toute la richesse culinaire de la région. Troyes et la Champagne sont également dotées d’un riche patrimoine gastronomique et où mieux en profiter qu’au milieu des halles ?